L'Art de Gil Elvgren (Troisième Partie)

Dernière partie de nos articles consacrés aux oeuvres de Gil Elvgren (voir première et deuxième partie), nous allons aujourd'hui nous intéressés aux années intermédiaires et la fin de carrière de Gil Elvgren.

En 1956, Elvgren convainc finalement sa famille de s'installer en Floride. Cette idée lui trottait dans la tête depuis près de quatre ans, et le moment semblait venu de changer de mode de vie et d'environnement. Elvgren avait de nombreux amis qui l'attendaient en Floride.

En outre, le climat de l'Illinois n'a pas été propice aux échanges et aux rencontres pendant une grande partie de l'année, alors qu'en Floride, c'est tout le contraire qui était vrai. Elvgren s'est vite rendu compte que tout lui plaisait dans son nouvel État d'adoption.

No You Don't (1956)

Les années intermédiaires et dernières années

Les Elvgrens trouvèrent une maison idéale sur Siesta Key, et Gil y construisit un fabuleux studio à deux niveaux. Pendant les quatre premières années, il a eu un apprenti de studio nommé Bobby Toombs, qui devint par la suite un artiste reconnu à part entière.

Une fois installé en Floride, Elvgren peignit un grand nombre de portraits, mais pas pour la raison que la plupart des illustrateurs semi-retraités le font. N'aspirant pas aux "beaux-arts", Elvgren appréciait simplement les gens qu'il rencontrait dans sa nouvelle communauté de Siesta Key. Nombre de ses modèles étaient célèbres ou le sont devenus après avoir posé pour lui. Myrna Loy, Arlene Dahl, Donna Reed, Barbara Hale et Kim Novak n'étaient que quelques-unes des modèles de Gil. Dans les années 1950 et 1960, le fait de voir son portrait reproduit et publié sur un million de calendriers Elvgren donna un grand coup de pouce à la carrière d'une actrice ou d'une starlette en herbe.

Myrna Loy

Bien que la plupart des artistes fassent des dessins ou des esquisses préliminaires d'un sujet avant d'aborder une huile, Elvgren ne le faisait pas normalement. Il demandait cependant parfois à son apprenti de faire de tels dessins si ce dernier y était disposé. Lorsque Elvgren décidait de faire quelque chose de spécial dans le cadre d'un travail de pin-up, il faisait souvent lui-même une étude. En général, ces dessins étaient assez petits, mesurant en moyenne 50,8 x 40,6 cm (20" x 16"). Une fois, il avait terminé le dessin préliminaire de la pin-up intitulé Bear Facts (ou Bearback Rider).

Bear Facts (1962)

En choisissant ses modèles, Elvgren ne s'est pas limité aux starlettes et actrices mentionnées plus haut. Dans les années 1940, il affectionne particulièrement Dayl Rodney et Pat Varnum, toutes deux à la fin de leur adolescence. À partir du milieu des années 1950, après son déménagement en Floride, le mannequin Myrna Hansen (qui en 1954 est devenue Miss USA) et sa voisine de quinze ans, Janet Rae, ont posé pour lui. Dans les années 1960, Rusty Allen et Marjorie Shuttleworth étaient ses préférés.

Myrna Hansen pour "Have A Heart ?" (1966)

Outre un contrat spécial pour Napa Auto Parts chez Brown and Bigelow chaque année, Elvgren fut également chargé de réaliser une pin-up par an pour Deitzler et Sylvania.

Les pin-up Napa qu'Elvgren réalisa pour Brown et Bigelow devaient être un peu plus conservatrices que d'habitude. Pour contourner les problèmes, Elvgren soumettait toujours une étude préliminaire entièrement finie, exécutée à l'huile sur carton d'illustration, à la société, qui la présentait ensuite aux dirigeants de Napa pour approbation. Ce n'est qu'ensuite qu'il peignait la peinture à l'huile finie. Dans l'une de ces études, le poisson que la femme attrapa se trouvait entre ses jambes écartées. Après avoir examiné l'étude, les dirigeants de Napa ont demandé au directeur artistique de Brown and Bigelow, Buzz Peck, de demander à Elvgren de déplacer le poisson sur le côté, et voici comment il apparaît dans la version finale.

En 1963, Elvgren fut honoré par la publication d'un jeu de cartes unique intitulé American Beauties (ou parfois Top Hat). Sous licence de Brown and Bigelow, ce jeu était le premier à contenir des reproductions de cinquante-trois pin-up Elvgren différentes, alors que les jeux précédents n'illustraient qu'une seule Elvgren Girl. Elvgren était le seul artiste de Brown and Bigelow à avoir été ainsi honoré ; le seul autre artiste de pin-up à avoir produit un jeu de cinquante-trois images était Alberto Vargas.

American Beauties (1963)

Au milieu de ce grand succès, une terrible tristesse s'est emparée du foyer Elvgren en 1966, lorsque Janet décéda d'un cancer. Après sa mort, Elvgren s'est encore plus immergé dans son travail.

Au milieu de ce grand succès, une terrible tristesse s'est emparée du foyer Elvgren en 1966, lorsque Janet décéda d'un cancer. Après sa mort, Elvgren s'est encore plus immergé dans son travail. Il avait atteint le point de sa carrière, après trente ans de peinture, où il était suffisamment détendu pour ne se soucier de rien, si ce n'est de créer la meilleure image possible pour n'importe quelle œuvre. Le résultat est que ses pin-up des années 1960 sont les œuvres les mieux conçues, les mieux peintes et les plus belles qu'il ait jamais réalisées. Rafraîchissantes et magnétiques, ces Elvgren Girls captivaient l'attention du spectateur par leur sex-appeal.

C'est la meilleure période de la carrière d'Elvgren, marquée seulement par le chagrin de la mort de sa femme. Au fil du temps, il finit par passer du temps avec Marjorie Shuttleworth, l'un de ses modèles à Sarasota.

Red, White & Blue (1966)

La capacité de Gil Elvgren à capturer l'esprit et la sensualité de la beauté féminine américaine était inégalée. Ses pin-up étaient des photos de vraies filles dans des situations réelles et quotidiennes. Elles étaient parfois un peu exagérées, mais elles fonctionnaient toujours.

Lorsqu'on a demandé un jour à Elvgren quelle caractéristique d'un modèle l'intéressait le plus, il a répondu : "Une fille avec des traits de visage très mobiles capables d'une large gamme d'expressions est le vrai bijou. Le visage est la personnalité". Le modèle était le facteur le plus important pour rendre une peinture forte. Il préfère les jeunes modèles (15 à 20 ans) qui commencent leur carrière, car ils ont alors une fraîcheur et une spontanéité qui sont souvent perdues après avoir acquis de l'expérience et de l'assurance.

Elvgren planifiait toujours chaque tableau avec soin. En partant d'une idée, il développait la situation visuelle et choisissait ensuite le modèle approprié pour ce cadre spécifique. Ensuite, il décidait de la tenue, de l'arrière-plan de son studio, des accessoires et de l'éclairage. Même la coiffure du modèle était un facteur important : la publication d'un tableau pouvait prendre jusqu'à deux ans, et la coiffure de la jeune fille devait être réalisée dans un style qui ne soit intemporel.

Clean Sweep (1963) [Disponiblesous forme de plaque métal vintage]

La marque distinctive des pin-ups d'Elvgren par rapport à celles de ses contemporains est que les Elvgren Girls ressemblaient à de vraies personnes. À tout moment, la fille pouvait sortir du tableau et dire bonjour ou bonsoir ou offrir au spectateur une tasse de café, une boisson ou une invitation à un divertissement pas si innocent. Les Elvgren Girls avaient de la personnalité et de l'entrain ; c'étaient des beautés vivantes, amicales et débordantes d'enthousiasme. Elles avaient un visage doux, mais étaient aussi généreusement gâtées par la nature. Elles pouvaient facilement allumer une étincelle dans les yeux de n'importe qui et en avaient souvent une à elles.

Well Built (1961) [Disponible sous forme de plaque vintage en métal]

Conclusion

Gil Elvgren, un homme qui avait passé une grande partie de sa vie à enrichir la vie des autres, succomba d'un cancer le 29 février 1980, à l'âge de soixante-cinq ans. Dans son studio, sur Featherbed Lane à Siesta Key, Drake trouva la dernière pin-up Brown and Bigelow de son père, un tableau inachevé et pourtant toujours brillant, reproduit et publié ici pour la première fois. Elvgren nous manque depuis près de deux décennies, mais son art et son héritage perdurent. Célébrer et apprécier ce qu'il a créé restera le meilleur compliment et le plus grand honneur que nous puissions lui faire aujourd'hui. Et, sans aucun doute, les historiens de l'art du XXIe siècle reconnaîtront en Gil Elvgren un contributeur majeur et important à l'art américain du XXe siècle.

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